Portrait
Véronique Blanc, un autre regard sur le virus
Biologiste
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Plus habituée au confinement de son laboratoire, le Dr Véronique Blanc, cheffe du laboratoire du Centre Hospitalier d’Antibes, s’est soudainement retrouvée propulsée sur le devant de la scène médiatique. Née à Antibes, elle a grandi dans le quartier de la Croix- Rouge. Après des études de biologiste et un DEA d’écologie, elle exerce, entre autres, à l’Institut Pasteur de Paris et rejoint en 1995 l’hôpital de sa ville natale avec en point de mire la lutte contre les infections nosocomiales.
Comment rêve-t-on de devenir biologiste ? « Je rêvais aussi d’être danseuse ! Et j’ai été professeur de danse orientale (large sourire). J’ai été poussée par une envie d’altruisme pas tant pour soigner les gens individuellement mais davantage dans la recherche de solutions collectives. Me concernant, c’est un véritable investissement public et je dirais même un investissement pour ma ville ».
Vous imaginiez au cours de votre carrière être confrontée à une telle crise ? « En tant que cinéphile j’ai souvent conseillé à mes étudiants en médecine « Contagion » qui est le lm le plus réaliste sur la survenue d’une pandémie. En fait, la vraie question que se posaient tous les biologistes n’était pas si... mais plutôt... quand ».
Depuis le début de cette crise sanitaire, en bonne synergie avec sa direction et son équipe médicale et technique, le Dr Véronique Blanc a orienté le choix des moyens et des techniques de dépistage contre la Covid-19 du Centre Hospitalier et de la Ville d’Antibes. « Mon expertise et mon travail de veille scientique m’ont conduit à introduire la biologie moléculaire et à investir dans des équipements de PCR(1) qui au début de la crise n’était pas si évident » vulgarise le Dr Blanc. L’équipement de son laboratoire à la fois de machines permettant des PCRs en moins d’1 heure et d’une machine « multiplex » pour tester plus de 20 pathogènes respiratoires et ainsi distinguer une grippe d’un Covid-19, confère à Antibes ce « coup d’avance » dans la stratégie de dépistage. « Peu d’hôpitaux en sont dotés, mais elles permettent un diagnostic rapide et ané essentiel pour la prise en charge des patients » constate le médecin qui avoue : « J’ai souvent dit que mon engagement ne serait jamais le même que celui de quelqu’un de passage. Je travaille au service de ma ville et des Antibois. Il ne se passe pas un jour sans que je ne soigne des habitants de cette ville que je connais et c’est une source importante de motivation et d’actions ».
Si la stratégie impulsée par le Dr Blanc s’est avérée ecace, elle ne crie pas victoire : « l’affaire n’est pas terminée... Les habitudes de vie de plus en plus intrusives de l’être humain ont abouti à rompre la barrière éthologique. La déforestation, la culture intensive, nous conduisent au contact d’écosystèmes avec lesquels nous n’avons rien à faire et nous confrontent à des pathogènes contre lesquels nous ne sommes pas immunisés. Nous devons rester très attentifs à ces contacts inter-espèces qui peuvent être à l’origine de ruptures de barrières d’espèces avec des risques de mutation virale et des implications vaccinales fortes ».
Son profil de biologiste, spécialiste de l’écologie, lui confère une hauteur de vue sur cette crise sanitaire : « cet épisode nous apprend aussi qu’il faut faire preuve de grande modestie. Il faut admettre qu’en 2020 les maladies infectieuses tuent encore... Mais l’on ne peut pas s’arrêter de vivre et proposer à nos enfants de se terrer. Nous devons parvenir à vivre en équilibre avec la nature et des micro-organismes, ce qui parfois ne sera pas à notre avantage. En écologie, on appelle cela la symbiose. Comme on vit avec le VIH depuis 40 ans, il va peut-être falloir accepter de vivre avec ce virus en alternant des phases de combat et de repli lors des fortes poussées de l’épidémie virale. Et peut-être, comme dans la culture asiatique, accepter que les mesures sanitaires simples, comme le port d’un masque lorsqu’on est enrhumé, intégrent notre quotidien pour éviter de contaminer l’autre... »
Grande voyageuse, le Dr Blanc est engagée dans la médecine humanitaire depuis les dispensaires de brousse du Gabon et du Cambodge jusqu’aux centres d’excellence des laboratoires hightech de Colombie. « Nous disposons d’une mine d’informations, dans les bases de données mondiales du CDC d’Atlanta - Centre de prévention et de contrôle des maladies - ou dans nos propres bases, que l’Intelligence Articielle va nous permettre d’interpréter. Statistiquement, l’exploitation de ces données va faire surgir des éléments de reconnaissance et des paramètres biologiques utiles pour la lutte contre les virus... Ce sont des informations que trois vies de chercheurs ne suffiraient pas à exploiter, c’est pour cela que l’avenir de la médecine passe forcément par l’intégration de l’IA... »
(1) Tests PCR naso-pharyngés