Portrait

Pascal Pralavorio, l'Univers pour terrain de jeu

Physicien

Ce physicien antibois fait partie de l’équipe expérimentale qui a permis la découverte d’une particule essentielle à la compréhension de notre monde. Avec une grande modestie et une bonne dose d’humour, le scientifique remet l’Homme à la place qui est la sienne dans l’Univers...

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Né en 1972 à la clinique Jeanne d’Arc, Pascal Pralavorio a grandi à Antibes entre une maman ingénieure et un papa technicien à l’INRA. “J’ai fréquenté l’école du Ponteil, puis le collège Roustan avant de passer monbac au lycée Audiberti”. Élève brillant ? “Je ne dirais pas ça comme ça… J’étais bon dans les matières scientifiques mais surtout je ne tenais pas en place...Avec le recul, je crois que l’école m’a davantage appris la rigueur scientifique que le questionnement”.
D’ailleurs, c’est un peu par défaut et pour suivre ses copains, que bac en poche, Pascal intègre une classe de prépa techno au lycée des Eucalyptus. “Je me suis révélé médiocre en technologie…Mais cette expérience m’a aumoins permis de me rendre compte de ce qui me plaisait vraiment”.
Désormais sur les rails, le jeune étudiant antibois enchaîne une licence de physique à Grenoble, une maîtrise à Montréal et présente sa thèse à Strasbourg avant d’être recruté par le CNRS.

La fabuleuse aventure du Boson de Higgs
En intégrant le CERN, à Genève, Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire, Pascal a rejoint l’une des deux plus prestigieuses équipes au monde travaillant sur l’origine de la masse des atomes. “J’ai fait partie des expérimentateurs. Notre mission était de collisionner des faisceaux de particules au coeur d’un accélérateur, un anneau de 27 km de circonférence enterré à 100m sous terre. On injecte des faisceaux de protons, un des constituants élémentaires de la matière, que l’on accélère à une très grande énergie pour reproduire des conditions qui, par exemple, prévalaient quelques secondes après lanaissance de l’Univers, le Big Bang…”
La grande découverte a eu lieu le 4 juillet 2012. Elle a été annoncée à 9h du matin dans l’amphithéâtre du CERN en présence de tout le gratin de la physique et ce après un suspense scientifique insoutenable. “À ce moment-là, se remémore Pascal, je ressens une excitation énorme car toute ma vie était tournée vers la recherche de cette particule que l’on appelle le Boson de Higgs. C’est le moment le plus passionnant de ma carrière”. L’année suivante, en 2013, le prix Nobel est attribué aux chercheurs théoriciens qui ont imaginé cette particule.
Mais comment pour les néophytes que nous sommes mesurer l’importance de cette découverte ? “En répondant à cette question que les scientifiques se posaient depuis presque un siècle, la physique fondamentale a pris un tournant historique. La grande avancée du XXe siècle en matière scientifique, a été de comprendre des phénomènes de l’infiniment grand, par exemple pourquoi le soleil brille, grâce à des phénomènes de l’infiniment petit, que l’on caractérise par un mot qui est“particule”. À peine une vingtaine d’entre elles permettent d’expliquer les phénomènes à très grande échelle. Il n’en restait qu’une à découvrir, c’était ce fameux Boson de Higgs. Son rôle est d’expliquer pourquoi toutes les particules ont une masse. Sans lui, il ne pourrait pas y avoir d’atomes et dans un univers où l’électron n’a pas de masse, nous ne pourrions pas vivre…”

La tête dans l'univers, les pieds sur terre
Ses fréquentes incursions dans l’infiniment grand n’ont pas pour autant détourné Pascal de l’essentiel. Bien ancré sur terre, il cultive ses racines antiboises. Sa maison familiale, ses amis de 6e A, le quartier de son enfance... “Chaque fois qu’adulte on revoit les endroits que l’on a aimés enfant, on se retrouve confronté à un problème de proportion. Je me faisais cette réflexion en repassant devant le cinéma. La dernière fois que j’y suis allé je devais avoir 15 ans et j’avais gardé l’impression qu’il était immense...”
Quand on tutoie l’infiniment grand quelle vision peut-on bien avoir de l’Homme ou de Dieu ? “Mon métier c’est de travailler à de très grandes échelles. On sait maintenant que l’univers est né il y a environ 13 millions et demi d’années; l’Homme lui a quelques millions d’années au mieux… Du coup, pour nous, la question de l’Humanité devient presque subsidiaire…”
Une remise en perspective qui rend sans doute le scientifique qu’est Pascal beaucoup moins égocentrique que le commun des mortels. Une sorte de théorie de la relativité des événements qui remet l’Homme à sa juste place dans l’Univers. Pour autant, l’homme et le père de famille n’ont rien perdu de leur sensibilité et de leur émotion. Si Pascal n’a pas quitté les équipes de chercheurs français c’est aussi pour conserver des assises solides dans son quotidien.
Passionné de musique, il chante, joue du piano et de la guitare : “Je suis un fou de Sidney Bechet, une seule de ses notes de musique provoque une pure émotion… C’est très important à côté de la rigueur scientifique de se laisser porter par son intuition”.
Et Dieu dans tout ça ? “La science est née pour répondre à des questions.Dieu est une façon de résoudre tous les problèmes: “c’est grâce à Dieu” m’apporte peu d’émulation”.
Son rêve ? Continuer à comprendre et à transmettre. “Nous sommes le bras scientifique armé de la population qui finance nos recherches. On doit des explications et c’est pour cela que les fêtes de la science, comme celle d’Antibes, ont une importance capitale à mes yeux”.